ÉTATS-UNIS - La puissance économique

ÉTATS-UNIS - La puissance économique
ÉTATS-UNIS - La puissance économique

«Le pays le plus développé industriellement ne fait que montrer à ceux qui le suivent sur l’échelle industrielle l’image de leur propre avenir.» Cette phrase de Karl Marx, tirée de la préface du Capital , explique la fascination qu’exerce l’économie américaine. Il s’y ajoute le poids considérable de cette économie dans le monde moderne. Le produit national brut (P.N.B.) des États-Unis représentait en 1990 33 p. 100 du total des produits nationaux des pays de l’O.C.D.E. (Europe, Japon, Amérique du Nord, Australasie), autant qu’en 1980, selon les analyses de Paul Kennedy. La production industrielle du pays était alors légèrement supérieure à celle de l’Europe des Douze. Dans les industries les plus modernes (chimie, aéronautique, espace, informatique), les États-Unis restent en tête, malgré les progrès japonais. Leurs exportations représentent 12 p. 100 du volume des exportations mondiales.

Cette puissance économique sans précédent est le résultat d’un processus de croissance qui s’est affirmé dès les dernières années du siècle passé. Vers 1873, le produit par tête aux États-Unis a dépassé le produit par tête en Grande-Bretagne. Depuis cette date, les États-Unis demeurent le pays le plus développé du monde.

En un peu plus d’un siècle (1871-1990), le produit total a été multiplié par près de 50 en termes réels, la population par 5,7 et le produit par tête par 8. Pour la période 1869-1970, le taux d’accroissement annuel du P.N.B. est de 3,6 p. 100, celui du P.N.B. par personne active de 2,2 p. 100, celui du P.N.B. par tête de 1,7 p. 100; entre 1970 et 1990, les chiffres correspondants sont de 2,7 p. 100, 1,1 p. 100 et 1,7 p. 100.

Les États-Unis constituent encore aujourd’hui la première puissance économique du monde, bien que depuis les années cinquante l’écart qui les séparait de l’Europe occidentale et du Japon se soit amenuisé. En 1950, le P.N.B. par tête était de 504 dollars en Europe occidentale, de 163 au Japon et de 1 882 aux États-Unis; en 1990, il était de 21 790 dollars dans ce dernier pays, contre 16 050 dans la C.E.E. et 25 430 au Japon. Les calculs en termes de parité de pouvoir d’achat montrent cependant que les États-Unis restent en tête par rapport au Japon, où le coût de la vie (alimentation, logement, etc.) est très élevé.

Au cours du XXe siècle l’économie américaine a poursuivi sa progression, en dépit d’une crise grave et de nombreux incidents de parcours. On peut distinguer quatre étapes dans cette évolution. De 1899 à 1914, la croissance annuelle moyenne du P.N.B. (en dollars constants) est de 3,7 p. 100 avec des phases marquées de prospérité et de dépression. Même déséquilibre entre 1914 et 1929, avec un taux moyen de croissance de 3,4 p. 100. De 1929 à 1946, la grande crise entraîne une stagnation, particulièrement sensible entre 1929 et 1941, avec une chute du produit national d’environ 25 p. 100 dans les années 1933 et 1934. La guerre provoque une croissance rapide à partir de 1941 et le désarmement une légère dépression en 1946. De 1946 à 1968, le développement n’est plus interrompu que par de faibles récessions: le taux moyen de progression est de 3,7 p. 100. Il se maintient entre 1967 et 1973 (3,6 p. 100), pour décliner de 1973 à 1980, à cause de la crise mondiale (2,3 p. 100). Mais sur les vingt années 1960-1980, le taux reste relativement élevé (3,5 p. 100). Depuis 1983, la reprise est sensible: les États-Unis retrouvent même, pour la première fois depuis les années quarante, un taux de croissance annuel supérieur à celui de leurs partenaires de l’O.C.D.E.: 4,8 p. 100 contre 3,6 p. 100 (moyenne O.C.D.E.), entre 1983 et 1989 (tabl. 1).

Si on analyse les causes de cette évolution, on s’aperçoit que la puissance économique des États-Unis repose essentiellement sur quatre facteurs: la population, le capital, l’espace, le progrès technique. Le développement économique, industriel et technique a transformé le pays: en moins de cent ans, les pionniers de l’Ouest ont cédé la place aux constructeurs de chemins de fer; l’industrie traditionnelle, en se concentrant, a subi de profondes mutations; le rythme accéléré de l’innovation technique a bouleversé les données du progrès économique; l’industrie a basculé de l’Est vers l’Ouest. La société industrielle est devenue une société de «services», et de «tertiaire moderne». L’immensité du territoire, l’importance de la population, la flexibilité sociale et institutionnelle ont permis, dès l’origine, l’instauration d’un grand marché qui, à son tour, a permis des économies d’échelle, sources d’une productivité élevée et, dans beaucoup de domaines, causes de la supériorité américaine. Sans doute est-ce là le schéma de progression de tous les pays industrialisés; aujourd’hui, les Américains ne sont pas les seuls à tenter de résoudre les délicats problèmes des conséquences de la croissance pour l’urbanisation et l’environnement, pour le progrès technique, pour l’équilibre et pour l’emploi. L’important est qu’ils aient été les premiers à s’engager sur cette voie.

1. Les facteurs de la croissance

La démographie

On dénombrait en 1992 aux États-Unis une population totale de 256 millions d’habitants (4 millions seulement en 1790). Le taux de croissance démographique a été très élevé pendant tout le XIXe siècle: entre 3,6 et 2,6 p. 100 par an. Depuis 1900, il est resté supérieur à la moyenne mondiale. Il a faibli dans les années trente, pour reprendre vers 1950 – de 1,1 à 1,8 p. 100 – et faiblir à nouveau dix ans plus tard – 1,7 p. 100 en 1960. Le taux de croissance de la population d’une année sur l’autre oscille autour de 1 p. 100 entre 1968 et 1990. Une légère remontée du taux de natalité (16,2 p. 1 000 en 1991) est observée depuis la fin des années soixante-dix, certains parlent de «baby boomlet ». L’importance de l’immigration (taux net de 2,6 p. 1 000 en 1990) contribue à la croissance de la population et explique que les États-Unis se trouvent dans une situation démographique plus favorable que les autres pays de l’O.C.D.E.: en 1989, les individus âgés de moins de vingt ans y représentaient 21 p. 100 de la population, contre 18,4 p. 100 dans la C.E.E. et 19 p. 100 au Japon (tabl. 2 et figure).

La croissance rapide de la population totale a certainement favorisé l’expansion économique, en offrant des débouchés sans cesse plus larges à une industrie qui fut la première à adopter les techniques de la production de masse. Elle allait permettre l’avènement d’une société mobile en multipliant le nombre des individus entreprenants susceptibles d’innover et capables de diriger le travail collectif.

Si l’on considère la population active , on constate une augmentation de sa part dans la population totale: le rapport passe ici de 30 à 40 p. 100 environ dans les années soixante, et dépasse légèrement 50 p. 100 en 1990. La structure par âges de la population devient plus favorable aux âges actifs: le taux d’activité des femmes s’accroît et le déclin de la natalité réduit la part des non-actifs. Cette évolution devrait provoquer logiquement une augmentation de la quantité de travail par tête d’habitant. Mais un autre facteur intervient: la réduction de la durée du travail par homme actif et par an – on l’évalue à près de 40 p. 100 entre 1850 et 1952. La quantité de travail par tête tend donc à diminuer. Le nombre d’heures ouvrées par an et par habitant diminue de près de 25 p. 100 pendant la même période, ce qui représente une diminution décennale de l’«input travail» de l’ordre de 2,4 p. 100.

Sur la longue période, l’accroissement du produit par habitant ne dépend donc pas de l’input travail par tête. On remarque d’autre part que la croissance du produit par heure ouvrée est plus rapide que celle du produit par habitant. Entre 1874 et 1952, le P.N.B. per capita est multiplié par 5, le P.N.B. par heure ouvrée par 5,5; le phénomène s’est prolongé par la suite. La contribution en quantité de l’input travail au taux de croissance du produit par tête est donc négative.

Si l’on accepte l’hypothèse générale selon laquelle la contribution d’un facteur de production est mesurée par son revenu global, et si l’on considère que les revenus du travail représentent environ 70 p. 100 du revenu national, on en arrive à cette conclusion: une réduction du volume de travail de 3 p. 100 en dix ans entraîne une baisse de 2,25 p. 100 du produit par tête. Notons bien qu’il s’agit d’une mesure des conséquences de la réduction du volume de travail en quantité horaire par tête d’habitant. Cette contribution négative laisse penser que la croissance est essentiellement liée à l’amélioration de la qualité du travail, à la combinaison des facteurs de production et surtout au progrès technique.

L’accumulation du capital

La continuité et la régularité de l’investissement sont un des traits fondamentaux de l’économie des États-Unis depuis le début du XXe siècle. Cela a permis un élargissement des capacités de production, la croissance de l’emploi, et facilité la mise en place des équipements les plus modernes et les plus productifs. Le stock de capital a été multiplié, en termes réels, par 4 entre 1900 et 1958 et par 2,3 entre 1960 et 1990 (tabl. 3). L’intensité «capitalistique» (rapport capital-travail) a augmenté régulièrement. En comparant les données disponibles concernant le capital et le produit, on s’aperçoit que les deux grandeurs croissent à peu près à la même vitesse. Les travaux de S. Kuznets et R. Goldsmith dans le cadre du National Bureau of Economic Research ont fait apparaître une quasi-stabilité du coefficient de capital (rapport capital-produit) sur la longue période et son déclin depuis la Seconde Guerre mondiale.

Cette constance implique un taux de croissance du capital par tête identique à celui du produit par tête. On constate en même temps que les revenus du capital et les taux d’intérêt ne baissent pas. L’observation statistique fait apparaître des fluctuations de ces revenus, mais pas de tendance persistante à la hausse ou à la baisse. On peut observer en même temps la constance des parts relatives des salaires et des revenus du capital (au sens large de rémunérations de la propriété du capital et de la fonction d’entreprise et d’organisation). Kuznets évalue à 25 p. 100 la part des revenus du capital dans le revenu national américain. Pour un coefficient de capital constant, la contribution de l’accroissement du capital par tête à la croissance du produit par tête est d’environ 25 p. 100.

Les contributions combinées de l’accroissement du capital et du travail par tête n’expliquent donc qu’entre un dixième et un huitième de la croissance du produit par tête; moins encore depuis la guerre.

En fin de compte, c’est bien le progrès technique, la recherche d’une plus grande efficacité et d’une meilleure combinaison des facteurs de production qui rendent compte de la croissance de l’économie américaine.

Le progrès technique

Si le produit par tête s’est accru et s’accroît pour des raisons autres que celle de l’augmentation quantitative des facteurs de production, c’est que d’autres causes sont en jeu. L’éducation, une formation plus adaptée, de meilleures conditions de santé, la réduction des durées de travail ont largement contribué à améliorer la qualité du travail, à le rendre plus productif. La combinaison des facteurs de production est rendue plus efficace par des changements d’échelle: on construit en grand, car les marchés s’élargissent très vite. Enfin, l’innovation technique au sens strict se développe avec les sciences et les arts. Toutes ces causes tiennent d’ailleurs au progrès des sciences: aussi bien de la science fondamentale que de ses applications industrielles, aussi bien des sciences physiques que des sciences de l’ingénieur ou de la gestion industrielle et commerciale, des sciences médicales que des sciences de l’éducation.

Si progrès technique et accumulation des connaissances sont les termes les plus généraux qui conviennent pour désigner ces sources puissantes et diffuses de la croissance économique des États-Unis, encore faut-il essayer de mesurer leur influence. On peut partir des calculs précédents: le taux de croissance du produit par tête ne dépendant que partiellement de l’augmentation quantitative des inputs, tout le reste doit être attribué aux facteurs qualitatifs et résiduels. Les travaux de E. F. Denison aident à mieux comprendre le rôle de cet ensemble de facteurs dans la mesure où ils permettent d’en mesurer l’importance respective.

De 1909 à 1929, compte tenu de la part du travail dans le revenu national, on évalue à 0,73 point la contribution du capital (terre et actifs reproductibles) à la croissance du revenu national (2,82 p. 100 par an en moyenne).

Pour la période 1929-1976, la contribution du capital est encore moindre: la part du travail dans le revenu national s’élevant à environ 75 p. 100, la contribution du capital s’est élevée à 0,46 p. 100 (pour une croissance de 2,98 p. 100) et à 0,71 p. 100 entre 1948 et 1973 (pour une croissance de 3,65 p. 100). L’input travail en quantité a un effet négatif (face=F0019 漣 0,23 puis: face=F0019 漣 0,68, 漣 0,40 et 漣 0,58). Ces mouvements semblent s’être continués dans les années quatre-vingt-dix.

En revanche, l’éducation et les divers autres facteurs qui rendent le travail plus efficace (santé, diminution de la durée du travail, etc.) ont contribué pendant longtemps de façon décisive à la croissance générale; cependant, la dégradation de la qualité de l’enseignement est souvent considérée comme la cause de nombreuses difficultés, en particulier la modestie des gains de productivité. On observe, en effet, un ralentissement de la croissance de la productivité dans les années soixante-dix.

Cela semble particulièrement vrai en ce qui concerne la productivité du travail (tabl. 4), qui progresse moins vite que dans les années soixante et, surtout, beaucoup moins vite que chez les principaux partenaires des États-Unis. Parmi les explications proposées, on a retenu un moindre effort de recherche et de développement (J. W. Kendrick), un moindre progrès des innovations techniques (insuffisance de la concurrence), l’excès des interventions gouvernementales en matière de réglementation des activités économiques, l’effet de la fiscalité sur les incitations à l’efficacité, l’accroissement du prix de l’énergie, et celui de l’emploi, le déclin dans la qualité du management, l’accroissement de la part des services dans la production, la baisse du niveau de l’éducation, le recul des dépenses de l’État en ce qui concerne les infrastructures et, enfin, des facteurs culturels impliquant un changement profond des mentalités et des attitudes à l’égard du travail, de la concurrence et de l’efficacité. Si on ne peut douter du fléchissement de la productivité (encore que l’analyse et l’imputation statistiques de la productivité soient extrêmement complexes et soumises à bien des discussions), il est certain que l’on assiste à un redressement sensible des gains de productivité dans les années quatre-vingt, surtout en ce qui concerne l’industrie manufacturière. Ce mouvement est-il appelé à se prolonger? Il s’agit là d’une question essentielle pour les années quatre-vingt-dix.

L’analyse des sources de la croissance économique américaine, sur la longue période, doit être complétée par la mise en évidence d’un autre facteur: si la part des revenus du capital dans le revenu national reste à peu près constante au lieu de s’accroître, cela tient au fait que beaucoup d’innovations se traduisent par une économie de capital, permettant ainsi d’éviter le jeu des rendements décroissants. D’un autre côté, la hausse des salaires réels conduit les entreprises à rechercher les techniques nouvelles qui économisent du travail – ce qui empêche les revenus du capital de baisser. Ce double mouvement explique que la part du travail et celle du capital restent à peu près constantes dans le revenu national américain.

La constance des parts relatives de revenus n’empêche pas l’accroissement du taux de salaire réel. Entre 1860 et 1960, le salaire réel moyen par tête a été multiplié par 6,5 (taux d’accroissement annuel de 1,9 p. 100). Le tableau 5 montre que le salaire horaire réel dans l’industrie a été multiplié par 6,5 entre 1889 et 1978. Il stagne depuis 1978, conséquence de la chute de la productivité et de la récession. L’augmentation du salaire réel s’expliquait par l’accroissement des équipements disponibles et par le progrès technique; elle coïncide d’ailleurs pratiquement avec le taux de croissance du produit par heure ouvrée. Les causes de la stagnation récente des salaires réels doivent être recherchées, notamment, dans l’accroissement de la concurrence internationale et dans le développement d’une société «à deux vitesses» où se multiplient les emplois tertiaires médiocrement rémunérés (tabl. 6).

Cette interprétation de l’expansion économique américaine ne doit pas faire oublier que les facteurs physiques de production restent indispensables à la croissance. C’est l’accumulation du capital qui permet d’incorporer le progrès technique: ce sont aussi les travailleurs, mieux éduqués, plus spécialisés, en meilleure santé, dont la productivité s’améliore. Si l’analyse insiste sur la qualité des facteurs de production plus que sur leur quantité, c’est pour bien montrer où se situent les freins à la croissance et faire apparaître les véritables objectifs de la politique économique. Il est évident que, dans la réalité, les facteurs de production sont étroitement liés au progrès technique.

2. Les grandes étapes

Le chemin de fer

À l’origine, l’économie des États-Unis était essentiellement agricole et coloniale. Elle exportait des matières premières et importait des produits manufacturés. Les premières industries naquirent de l’exploitation des ressources naturelles: dès 1850, la production de machines agricoles a dépassé celle des pays européens, à la fois en quantité et en qualité. Vers le milieu du XIXe siècle, les constructions navales se développent rapidement au point de constituer pendant quelque temps la principale industrie. Mais à cette date, l’économie américaine est encore dans l’ombre de l’économie anglaise.

Les États-Unis devinrent la première puissance industrielle du monde au cours des années 1850-1910, et la construction du chemin de fer en constitue l’étape décisive. En 1910, le réseau ferré de l’Amérique du Nord représente à lui seul 25 p. 100 du réseau mondial. La mise en place des voies ferrées entraîne le développement des industries du charbon, du fer et de l’acier; elle permet une plus grande mobilité des ressources et de la population. Des entreprises géantes apparaissent, appliquant la recherche scientifique à la production et fabriquant à des échelles jamais atteintes. En 1873, Andrew Carnegie, s’inspirant des exemples allemands, s’emploie à promouvoir la recherche dans le domaine de l’industrie minière. En 1882, la Standard Oil est créée; elle met sur pied la première industrie pétrolière du monde qui, à partir de 1920, se développera très rapidement avec le progrès de l’industrie automobile. En 1901, l’United States Steel Corporation est devenue, sous l’autorité de John P. Morgan, un quasi-monopole de la production d’acier.

Les taux de croissance au cours de cette période sont d’ailleurs très élevés: de 1874 à 1889, le P.N.B. s’accroît de 5,2 p. 100 et, de 1889 à 1910, de 4,2 p. 100. De 1860 à 1913, l’indice de la production industrielle passe de 7,48 à 100 (517,3 en 1959). Le revenu par tête est multiplié par deux, alors qu’il n’avait augmenté que d’environ 10 p. 100 pendant la première moitié du XIXe siècle.

L’industrialisation

La troisième grande étape de l’expansion américaine va de 1910 à nos jours. Elle se caractérise par un énorme effort de production de masse dans des secteurs industriels nouveaux: automobile, industrie mécanique, électricité, chimie. Les produits synthétiques, l’électronique sont très vite utilisés pour la production de biens de consommation durables ou non, qui donnent au style de vie américain un caractère nouveau.

Dès la fin du XIXe siècle, la part de l’industrie dans l’économie est plus importante que celle de l’agriculture. En 1839, 69 p. 100 de la production totale de biens proviennent de l’agriculture, contre 49 p. 100 seulement en 1879. En termes de revenu national, l’évolution est encore plus nette. Aujourd’hui, l’industrie (au sens large) emploie 26,7 p. 100 des actifs et contribue pour 30 p. 100 environ au P.I.B.

La structure de la population active agricole évolue en sens inverse. En 1870, 51 p. 100 de la population active étaient employés dans l’agriculture, 30 p. 100 dans l’industrie, 19 p. 100 dans les services. En 1950, la population active agricole atteignait à peine 12 p. 100, la population industrielle (y compris transports et communications) 45 p. 100, celle des services 43 p. 100. En 1966, il ne restait plus dans l’agriculture que 5,5 p. 100 des travailleurs actifs, et moins de 3 p. 100 en 1990. Le capital suit bien sûr l’évolution: les actifs agricoles (terre et actifs reproductibles), qui représentaient 65 p. 100 de la richesse nationale en 1850, tombent à 11 p. 100 en 1958, et à moins de 5 p. 100 dans les années soixante-dix et quatre-vingt.

Ce phénomène est bien connu. La demande de produits agricoles croît moins vite que celle des produits industriels ou des services. L’urbanisation, particulièrement rapide aux États-Unis, entraîne de nouveaux besoins, crée de nouvelles priorités de consommation. Elle implique, par exemple, une augmentation de l’importance des transports, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles, ainsi que des dépenses supplémentaires d’administration, de loisirs, d’appareils manufacturés. La demande de produits agricoles baisse d’autant en proportion. En outre, le progrès technique substitue, pour beaucoup d’usages, des biens industriels aux produits agricoles proprement dits.

La productivité apparente (du travail) dans le secteur agricole a augmenté sur la longue période à peu près à la même vitesse que dans l’industrie. La productivité agricole a connu une accélération très forte après la Seconde Guerre mondiale et au cours de ces dernières années (tabl. 7 et 8). L’agriculture américaine a pu ainsi faire face à une forte demande nationale et internationale, alors que les travailleurs quittaient les campagnes pour s’orienter vers l’industrie et les services.

Une économie de services?

Le grand phénomène est en effet l’émergence du tertiaire qui fait parler, dans le cas américain, d’une «économie de services». 80 p. 100 des emplois non agricoles créés depuis 1950 l’ont été dans le tertiaire et, depuis cette même date, le taux de croissance de la valeur ajoutée dans ce secteur a été supérieur à celui du P.I.B.: les services ont donc un effet d’entraînement sur toute l’économie.

Ainsi, pour la première fois dans l’histoire, plus de la moitié de la population active d’un pays s’est trouvée employée dans le secteur tertiaire (55 p. 100 en 1966, plus de 70 p. 100 en 1990). Ce mouvement est dû à une croissance rapide de la demande de services, qu’elle vienne des particuliers (santé, loisirs, etc.) ou des entreprises (investissement immatériel). La loi d’Engel enseigne que plus les citoyens s’enrichissent, plus leur consommation de produits agricoles et industriels se reporte sur les services. Il ne faut cependant pas négliger le rôle des gains de productivité, plus faible dans ce secteur, ce qui impose une plus forte croissance de l’embauche.

Les entreprises sont ici généralement plus petites. On trouve beaucoup moins de firmes sociétaires. Pourtant, celles-ci ne sont pas absentes, et le secteur des services est plus concentré aux États-Unis qu’en Europe ou, surtout, qu’au Japon. Les entreprises les plus importantes sont les banques, les compagnies d’assurances, les sociétés de transport, les institutions à but non lucratif (universités, etc.). Il est probable que les services vont continuer à se développer, et l’on peut prévoir, dans cette perspective, de profondes mutations de l’emploi (féminisation), des organisations syndicales et des revenus.

L’urbanisation

Le processus d’urbanisation a accompagné ces évolutions économiques. Il favorise la concentration des travailleurs et permet de réduire les coûts de transport, de spécialiser davantage les entreprises et les activités, de créer de grandes firmes disposant d’une main-d’œuvre nombreuse et qualifiée. L’urbanisation contribue en outre à effacer les particularismes, à uniformiser les attitudes de l’homme au travail, les goûts du consommateur – d’où le progrès de la production et de la consommation de masse. Elle nécessite enfin des investissements publics importants en matière d’éducation, de santé, de transports et d’environnement.

Cependant, le processus d’urbanisation semble se ralentir aujourd’hui, et l’on parle même d’une crise urbaine dont la faillite de New York, en 1975, est emblématique. Ce sont surtout les centres-villes qui se vident de leur population, tandis que les banlieues ou les petites villes continuent à augmenter (tabl. 9).

Les grandes entreprises

L’évolution industrielle américaine dépend, en fait, du rôle joué par quelques entreprises, dont les dimensions économiques atteignent parfois celles de pays de moyenne importance. Les dix premières entreprises industrielles (au sens large), en 1991, sont General Motors, Exxon, Ford, I.B.M., General Electric, Mobil, Philip Morris, DuPont de Nemours, Chevron et Texaco. Elles réalisent 680 milliards de dollars de chiffre d’affaires, l’équivalent des deux tiers du P.I.B. français, près de quatre fois l’équivalent du P.I.B. belge (simple terme de comparaison, les P.I.B. étant des sommes de valeurs ajoutées). Elles emploient, à travers le monde, deux millions et demi de personnes. Parmi les cent premières entreprises industrielles mondiales, vingt-huit sont américaines, et parmi les cinq cents premières un bon tiers. Enfin, le total des actifs des cinq cents premières entreprises industrielles du pays s’élève à 2 250 milliards de dollars, et elles emploient à travers le monde 11,8 millions de personnes (Fortune , chiffres pour 1991).

L’existence de ces «géants» ne signifie d’ailleurs pas que le nombre des entreprises américaines doive aller en diminuant ou qu’il n’en existe pas de plus petites. En 1989, on dénombrait près de 17 millions d’entreprises, dont 12 millions d’entreprises individuelles et 4,8 millions d’associations ou de sociétés anonymes. C’est bien sûr dans le domaine des services que l’on compte le plus grand nombre d’entreprises, même si les entreprises manufacturières produisent le quart de la valeur ajoutée nationale.

L’industrie est donc dominée par une minorité de firmes dont la puissance est écrasante. En 1987, les cinq cents premières représentaient 42 p. 100 du P.I.B. marchand – plus qu’en 1954 (37 p. 100), mais moins qu’en 1980 (60 p. 100); en revanche, ces mêmes firmes s’octroyaient 39 p. 100 du profit total en 1954, 60 p. 100 en 1973 et 66 p. 100 en 1987.

La concentration est en effet passée par différentes phases et a atteint des niveaux particulièrement élevés en 1898-1900, 1926-1930 et surtout 1968-1970. Cela s’explique d’abord par la façon dont l’État a appliqué la législation antitrust (Sherman Act, 1890):
il se fait plus rigoureux à la fin des années trente, au milieu des années cinquante (procès contre DuPont de Nemours en 1957), au début des années soixante et au milieu des années soixante-dix. Cependant, l’État n’a jamais utilisé la législation antitrust pour interdire la concentration; il a seulement voulu l’encadrer. D’ailleurs, les entreprises ont su trouver des parades à ces lois, par exemple en se transformant en conglomérats qui ne sont jamais en situation de monopole dans aucun secteur, tout en réussissant à se développer dans de nombreuses branches différentes. Ainsi, la concentration progressa régulièrement de 1945 au milieu des années soixante-dix. Après cette date, la tendance semble s’être inversée, ce qui est paradoxal puisque l’État utilise moins que jamais les lois antitrust sous Ronald Reagan. C’est que l’évolution économique semble favoriser, aux États-Unis comme ailleurs, la petite entreprise, plus dynamique et plus flexible. Les créations d’entreprises atteignent un niveau exceptionnel – 670 000 en 1989 –, la part des grandes entreprises dans le P.I.B. ou dans l’emploi régresse. Cette évolution ne doit pourtant pas induire en erreur: les États-Unis restent le pays d’excellence des très grandes entreprises, ce que les Américains appellent le corporate capitalism ; ainsi, les entreprises de plus de cinq cents salariés emploient 70 p. 100 des travailleurs de l’industrie manufacturière – contre un peu moins de la moitié en France et un tiers au Japon.

On a longtemps considéré que ce capitalisme était radicalement transformé par la montée en puissance des directeurs (ou managers ); c’est l’idée que développe John Kenneth Galbraith dans les années soixante. Souvent, en effet, dans les grandes entreprises, ces derniers forment la nouvelle élite, alors que les propriétaires ont vu leur rôle se réduire. Le recrutement des hommes qui dirigent se fait par cooptation et par promotion à l’intérieur de l’entreprise. L’U.S. Steel s’est rendue indépendante de la dynastie Carnegie-Morgan, la General Motors de la dynastie Durant, la Standard Oil des Rockefeller. Les conseils d’administration ne comprennent, le plus souvent, que des salariés. Le développement de la forme sociétaire des entreprises, la diffusion des valeurs mobilières dans le public, l’effritement du patrimoine des grands actionnaires expliquent cette évolution. La «professionnalisation» de la gestion accentue encore ce phénomène. Les entreprises sont dirigées par des spécialistes de la gestion, qui ont reçu une formation technique d’un niveau élevé. La direction des entreprises est devenue collégiale. La communauté de formation, la nécessité et les conséquences de la cooptation, les impératifs de l’expansion, la diversité et la spécialisation des fonctions font que les firmes importantes sont dirigées par des états-majors, qui recherchent la croissance plutôt que le profit maximal.

Il serait pourtant caricatural de pousser à l’extrême une telle description. Les années quatre-vingt ont permis de mieux mesurer le pouvoir des actionnaires, toujours capables de sanctionner une direction lointaine en vendant leur parts à l’occasion d’une O.P.A. Certaines familles gardent d’ailleurs un réel contrôle sur leurs entreprises, comme chez DuPont de Nemours ou chez Ford.

Produit national et revenu national

Le volume des biens et services produits par l’économie américaine se mesure, au prix du marché, par le produit national brut. En 1990, il s’élevait à 5 524,5 milliards de dollars. En 1991, il atteignait 5 671, 8 milliards de dollars. La décomposition du P.N.B. en plusieurs catégories (tabl. 10) permet de préciser la structure de cette économie.

On passe du P.N.B. au revenu national en retranchant l’amortissement et les impôts indirects nets de subventions. En 1990, l’amortissement du capital s’élève à 594,8 milliards de dollars environ. En retranchant également les impôts indirects nets de subventions, on obtient le revenu national, soit très exactement 4 459,6 milliards de dollars. À partir de ce chiffre, on peut mesurer les grands flux de répartition par types de revenu (tabl. 11).

Si on décompose ensuite les chiffres du revenu national par secteurs de production, on peut évaluer les contributions respectives de chaque branche d’activité (tabl. 10).

Si maintenant on retranche du revenu national les profits non distribués, les impôts sur les profits et les cotisations de sécurité sociale, si on y ajoute les transferts distribués de diverses ressources et les intérêts payés par l’État, on obtient le revenu des particuliers, c’est-à-dire le revenu total, perçu par les individus à diverses sources. Il s’élevait, en 1990, à 4 679,8 milliards de dollars et à 4 834 en 1991.

Le revenu disponible (impôts et cotisations personnelles de sécurité sociale déduits) s’élevait à 4 508,8 milliards de dollars en 1990. Il est épargné à raison de 206,6 milliards (4,6 p. 100), le reste étant consommé. Ce qui donne un revenu disponible par tête de 15 695 dollars. Depuis la dernière guerre, le revenu des particuliers et le revenu disponible ont crû régulièrement et n’ont enregistré que de faibles variations d’amplitude – à la différence de ce qui se passait en 1929 et en 1950. On note cependant une croissance moins rapide depuis 1973 (tabl. 12). On constate enfin que l’épargne privée connaît des variations relativement plus fortes que celles de la consommation privée.

L’étude de la consommation des particuliers (tabl. 13) donne d’utiles indications sur le mode de vie américain. Depuis la Seconde Guerre mondiale, on enregistre un accroissement considérable de la consommation de biens non durables et de services – le progrès de la consommation de biens non durables étant plutôt moins régulier.

La question de la répartition des revenus aux États-Unis est très discutée. On constate que 40 p. 100 des ménages s’attribuent près de 70 p. 100 du revenu distribué (tabl. 14); il en va de même si l’on parle de revenu disponible, ce qui signifie que l’impôt et les prestations sociales sont de faible effet en matière de redistribution. Il semble, par ailleurs, que les inégalités sociales se soient plutôt aggravées dans les années quatre-vingt.

La monnaie

Le système monétaire américain sous sa forme actuelle date de 1913 et de la création du Federal Reserve System. Il s’agissait de fournir à l’économie la quantité de monnaie nécessaire, et de contrôler en même temps le fonctionnement du système bancaire. Le Federal Reserve System joue le rôle de banque centrale: douze banques de réserve émettent la monnaie fédérale et servent de banquiers aux autres établissements de crédit: un conseil de gouverneurs (Federal Reserve Board), nommé par le président des États-Unis mais indépendant de l’exécutif, définit la politique monétaire de l’Union. Il fixe notamment les taux d’intérêt, le montant des réserves légales des banques, et intervient sur le marché monétaire en achetant ou en vendant des titres pour augmenter ou pour réduire l’offre de monnaie.

C’est en 1934 que fut supprimée la convertibilité interne du dollar en or. Les dollars présentés par des créanciers étrangers ont continué d’être convertibles en or, au prix de 35 dollars l’once jusqu’en 1968. De 1968 à 1971, les balances en dollars sont restées convertibles en or pour les banques centrales étrangères qui s’engageaient à ne pas revendre cet or sur le marché libre. Depuis le 15 août 1971, le dollar, comme toutes les autres monnaies, n’est plus convertible en or.

Depuis le début des années 1970, le Federal Reserve System a adopté une politique monétaire d’inspiration quantitativiste (ou monétariste) pour résister aux pressions inflationnistes et régulariser la création de monnaie. Cette politique, particulièrement nette à partir de 1979, s’est infléchie depuis 1985; sur le long terme, la tendance est à la dépréciation du dollar.

3. Perspectives: un déclin américain ?

Le thème du déclin américain est aujourd’hui particulièrement présent, aussi bien aux États-Unis que chez leurs partenaires. Les analyses de Paul Kennedy (The Rise and Fall of the Great Powers ) ont popularisé cette idée au début des années quatre-vingt-dix. Sans doute les Américains ont-ils éprouvé une crainte comparable à divers moments de leur histoire. Tel fut le cas, à la fin des années cinquante, après le lancement du Spoutnik par les Soviétiques, ou encore au début des années soixante-dix. Jamais, cependant, les arguments permettant de parler d’un véritable déclin n’ont paru plus probants que dans les années quatre-vingt: ils font conclure à un déclin relatif des Américains par rapport à leurs partenaires, mais aussi à un déclin absolu, affectant de nombreuses industries et mettant en cause la richesse du pays.

Les positions américaines dans le monde

Le phénomène le plus frappant concerne le solde commercial . Les États-Unis profitent d’un très fort excédent au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (le taux de couverture atteint 235 p. 100 en 1945); il se réduira ensuite peu à peu, le pays connaissant un déficit en 1965 avec le Japon, en 1966 avec la république fédérale d’Allemagne et en 1967 de nouveau avec le Japon. En 1971 intervient le premier déficit commercial des États-Unis avec le monde au XXe siècle. Depuis cette date, le solde commercial n’a été excédentaire qu’à deux reprises, en 1973 et en 1975. Il est vrai que, dans les années soixante-dix, ces contre-performances peuvent s’expliquer largement par les importations pétrolières. Mais, depuis 1981, c’est le solde industriel qui est devenu négatif, tandis que le déficit commercial ne cesse de se gonfler, atteignant un montant record de 170 milliards de dollars en 1987. Les États-Unis connaissent ainsi un déficit avec presque tous leurs partenaires en 1991: le Canada (premier partenaire commercial), le Japon (troisième partenaire, qui représente à lui seul près de 20 p. 100 des importations américaines), le Mexique (quatrième partenaire), les nouveaux pays industriels d’Asie. Il n’y a guère qu’avec la Communauté européenne, deuxième partenaire commercial, que les États-Unis ont su retrouver un excédent (16 milliards de dollars en 1991, mais la moitié seulement en 1992).

Les positions américaines dans le monde ne sont pas affaiblies seulement en ce qui concerne le solde commercial. En effet, pour financer ce déficit, les États-Unis doivent faire entrer des capitaux étrangers. Ce phénomène prend d’abord la forme de l’arrivée d’investissements directs étrangers (I.D.E.). C’est ainsi que le stock d’I.D.E. détenus par l’extérieur aux États-Unis a progressé de 20 milliards à 404 milliards de dollars entre 1971 et 1990. Les principaux investisseurs outre-Atlantique sont les Britanniques (30 p. 100 du stock), mais aussi les Japonais, qui installent de nombreuses usines automobiles ou électroniques (20 p. 100 du stock), et les Néerlandais. Sans doute peut-on considérer ces entrées de capitaux comme une manifestation de confiance dans la santé de l’économie américaine. Le phénomène n’en provoque pas moins, dans l’opinion américaine, une inquiétude qui s’est manifestée prioritairement par des réactions d’hostilité à l’égard des investisseurs japonais. Au cours de la même période, le stock d’I.D.E. des États-Unis est passé de 100 milliards de dollars en 1971 à 385 milliards en 1990: 45 p. 100 de ces investissements ont été réalisés en Europe occidentale, près de 20 p. 100 au Canada, un peu plus de 10 p. 100 en Amérique latine; la part du Japon est réduite, ce qui confirme la relative fermeture de ce pays aux capitaux étrangers.

Aux investissements directs il convient d’ajouter l’achat par des épargnants étrangers d’actions ou d’obligations émises aux États-Unis; c’est ainsi que les puissantes sociétés japonaises de placement ont largement acquis les bons du Trésor émis par les autorités américaines pour couvrir le déficit budgétaire. Du même coup, les Américains obtiennent des devises qui permettent de couvrir le déficit commercial.

Ces entrées de capitaux provoquent une nouvelle dégradation de la situation américaine: alors que les États-Unis étaient créanciers nets, par rapport au monde, de 140 milliards de dollars en 1981 (c’est le montant maximal qu’ils aient jamais atteint), ils sont débiteurs nets, en 1990, de près de 600 milliards. Il est certain que ces chiffres doivent être pris avec prudence, dans la mesure où l’évaluation des avoirs à l’étranger est délicate. Il n’empêche que cette situation explique que le déficit courant (qui ajoute à la balance commerciale les services, y compris les revenus du capital) soit aujourd’hui du même ordre que le déficit commercial: l’excédent du poste des services a fondu. Le redressement en est rendu plus difficile.

Le déclin relatif de la nation américaine est confirmé par la régression du nombre d’entreprises américaines parmi les cent premières entreprises industrielles mondiales: elles étaient quarante-huit en 1979 et vingt-huit en 1991. Dans les années quatre-vingt, les plus solides d’entre elles ont connu des pertes, y compris les trois grands de l’automobile et I.B.M.

Toute une série d’indicateurs confirme l’idée d’un déclin relatif des États-Unis. Alors qu’ils représentaient 43 p. 100 du P.I.B. des pays «capitalistes» à la fin des années cinquante, leur part est tombée à 33 p. 100 en 1991. Sur le long terme, leur croissance est l’une des moins rapides de l’O.C.D.E.: 3,2 p. 100 par an entre 1960 et 1990, contre 6,4 p. 100 pour le Japon et 3,7 p. 100 pour l’O.C.D.E. dans son ensemble. Leur industrie serait moins compétitive dans la mesure où leurs gains de productivité seraient modestes (tabl. 4), et l’économiste Robert Reich, devenu secrétaire au Travail de Bill Clinton, notait en 1983 dans The Next American Frontier qu’ils étaient dorénavant dépassés par d’autres pays industriels pour de nombreux indicateurs tels que le P.I.B. par habitant ou l’espérance de vie. Le rattrapage effectué par les Japonais est particulièrement net: on estime qu’un ouvrier japonais gagnait, en 1970, 27 p. 100 du salaire d’un ouvrier américain, et 107 p. 100 en 1988. Même en tenant compte des variations monétaires ou des différences de pouvoir d’achat, la conclusion est évidente: aujourd’hui, les Américains ne sont pas sensiblement plus riches que leurs partenaires.

Le modèle américain en question

Encore ne s’agit-il que d’un déclin relatif, que l’on peut interpréter comme un rattrapage. Après tout, l’énorme supériorité matérielle des États-Unis après guerre peut s’expliquer par les conséquences anormales d’un conflit qui a ruiné l’Europe et le Japon. Le redressement de leurs économies, auquel l’impulsion fut d’ailleurs donnée par Washington, devait déboucher sur une atténuation de ces différences. Mais il existe des signes d’un véritable déclin absolu, comme la régression de la production de certaines industries (acier, automobile). Plus significative encore paraît cette question: les Américains de 1992 ne sont-ils pas moins riches que les Américains de 1972? Dans ce cas, le déclin ne serait pas seulement relatif. Différentes études fédérales tendent à démontrer que les revenus d’une famille américaine sont, à la fin des années quatre-vingt, légèrement inférieurs en termes réels à ce qu’ils étaient au milieu des années soixante-dix. Les salaires réels ouvriers ont à peu près stagné depuis 1973 (tabl. 5 et 6) et le phénomène serait encore plus net dans le secteur des services. Il faut en effet tenir compte des inégalités sociales et professionnelles qui auraient fortement progressé, comme le démontre l’évolution du seuil de pauvreté depuis la fin des années soixante-dix (tabl. 15). À la stagnation des revenus privés répondrait l’appauvrissement collectif dont témoignent le mauvais entretien des équipements publics (routes, ponts) et le niveau médiocre de l’enseignement.

L’avenir même serait compromis à cause du taux d’épargne trop faible, du déficit budgétaire et de l’endettement. Le taux d’épargne des ménages, traditionnellement modeste dans ce pays, est en effet tombé à moins de 5 p. 100 au milieu des années quatre-vingt et se serait peu redressé depuis lors. L’État fédéral ne montre guère l’exemple, puisque le déficit budgétaire ne cesse d’augmenter malgré les lois destinées à le contenir (loi Gramm-Rudman-Hollings, 1985-1987): il s’élève à 290 milliards de dollars en 1992. Tout cela explique le niveau très élevé de l’endettement des ménages, comme de l’État. La seule dette fédérale dépasse 4 000 milliards de dollars en 1992 et représente les deux tiers du P.I.B.

Ce phénomène contribue à expliquer le faible effort d’investissement aux États-Unis: le taux d’investissement domestique net, qui permet de mesurer l’augmentation du stock de capital national, n’a été que de 5,5 p. 100 dans la seconde moitié des années quatre-vingt, contre plus de 8 p. 100 pour la moyenne de l’O.C.D.E. (tabl. 16). Les États-Unis ne préparent pas l’avenir. Pis, ils le compromettent, puisque le remboursement de la dette pèsera sur les générations futures. Tout se passe comme si les États-Unis vivaient depuis trop longtemps à crédit. Telle serait l’une des raisons de leur déclin, selon beaucoup d’observateurs. Cette explication est inquiétante dans la mesure où l’endettement a permis de financer la croissance soutenue, la consommation et les créations d’emplois des années quatre-vingt. Les États-Unis n’auraient-ils plus les moyens de maintenir leur niveau de vie ?

Bien d’autres raisons sont avancées pour expliquer les difficultés économiques de l’heure. Il est d’abord facile de mettre en cause la concurrence déloyale des partenaires des États-Unis, mais cet argument ne saurait suffire: les racines du mal sont à chercher d’abord aux États-Unis mêmes. Les progressistes mettent ainsi en cause le système capitaliste américain: les entreprises, trop attachées au profit à court terme, ne penseraient pas assez à l’avenir; elles auraient délocalisé toute une partie de leur production, au risque de provoquer une véritable désindustrialisation de leur pays. Certains opposent volontiers le modèle économique japonais (coopération entre les entreprises sous l’égide du M.I.T.I., action sur le long terme, toyotisme, sens de la communauté) à un modèle américain qui serait dépassé. Une intervention de l’État serait alors indispensable pour corriger ces défauts. Les conservateurs notent au contraire que l’intervention de l’État s’est traduite, pour les firmes américaines, par des surcoûts qui les ont handicapées dans la compétition internationale. Paul Kennedy, enfin, s’est rendu célèbre en mettant en cause l’effort de défense qui aurait stérilisé une part importante de la recherche-développement et de la production industrielle.

En fonction de l’analyse privilégiée, les politiques fédérales ont évolué.

La politique de l’État fédéral

Les difficultés commencent à être ressenties de façon particulièrement vive à la fin des années soixante et dans les années soixante-dix. Au déficit commercial s’ajoutent en effet une montée de l’inflation – l’indice des prix à la consommation augmente de 5 p. 100 l’an entre 1968 et 1973 et de 8,5 p. 100 entre 1973 et 1979 –, un ralentissement de la croissance (tabl. 1) et la progression du chômage – le taux de chômage est de 6,7 p. 100 en moyenne entre 1973 et 1979. La crise politique (le Watergate, le Vietnam) et sociale (le problème noir) s’ajoute à la prise de conscience de ces problèmes économiques.

La solution à ces difficultés est cherchée à travers une plus grande intervention de l’État, dans la logique de la grande société établie par le président Johnson (1963-1968). Le fait que son successeur, Richard Nixon (1969-1974), soit un républicain ne change rien. Celui-ci n’hésite pas, au contraire, à établir un blocage des prix et des salaires en août 1971. Le système sera ensuite assoupli, mais les présidents Gerald Ford (1974-1976, républicain) et Jimmy Carter (1977-1980, démocrate) continuent dans le même esprit. Le président Carter, en particulier, augmente les dépenses publiques pour relancer l’économie tandis que de nombreuses agences fédérales sont créées pour contrôler l’activité des entreprises (regulation ). La part du P.N.B. ainsi réglementée passe de 8,2 p. 100 en 1965 à 23,7 p. 100 en 1975. Jimmy Carter s’engage également dans un vaste programme énergétique, en 1979, mais ses propositions sont considérablement édulcorées par un Congrès sensible aux arguments du «lobby texan».

En ce qui concerne les relations avec l’extérieur, la grande nouveauté est l’apparition d’un véritable nationalisme américain dont est représentatif le secrétaire au Trésor de Richard Nixon, John Connally. Il poussera aux mesures du 15 août 1971 qui instaurent une surtaxe de 10 p. 100 sur les importations venant des concurrents européens et japonais et suppriment la convertibilité en or du dollar. Même si la surtaxe est abandonnée en décembre, cette mesure est le signe de la montée de réflexes protectionnistes. Par ailleurs, le cours élevé du dollar est rendu responsable du déficit commercial; les États-Unis choisissent donc une dépréciation volontaire de leur monnaie, soutenue par un relatif laxisme en matière de création monétaire (benign neglect ), afin de renforcer leur compétitivité.

Les résultats économiques sont inégaux. Si les États-Unis retrouvent un excédent courant à la fin des années soixante-dix, l’inflation atteint des niveaux inconnus auparavant. Les échecs politiques (Nicaragua, Iran) renforcent l’idée du déclin du pays, dont la dépréciation du dollar semble le symbole. Apparaît dans les milieux conservateurs l’idée que l’intervention de l’État, loin de remédier aux difficultés du pays, serait plutôt leur cause. «Le gouvernement n’est pas la solution à nos problèmes, le gouvernement est notre problème», affirme le républicain Ronald Reagan, qui est élu président en 1980 et le reste jusqu’en 1988.

À vrai dire, le changement de politique économique est sensible dès 1978 et 1979. En 1978 apparaît un mouvement de déréglementation qui va se poursuivre tout au long de la décennie suivante. Seront libéralisés les secteurs du transport aérien, routier ou ferroviaire, ainsi que les activités bancaires (loi Garn Saint Germain, en 1982, qui supprime la réglementation des taux d’intérêt datant de 1933), l’énergie et les télécommunications. C’est le début d’une remise en cause radicale du rôle de l’État qui se traduit notamment par une baisse des impôts (Economic Recovery Tax Act de 1981, réforme fiscale de 1986): deux taux seulement subsistent pour l’impôt sur le revenu, et le plus élevé n’est que de 28 p. 100; quant au taux d’imposition maximal sur les profits des sociétés, il n’est que de 34 p. 100.

En 1979, par ailleurs, Paul Volcker est nommé à la tête du Federal Reserve Board; il pratique une politique monétariste qui se traduit par un ralentissement de la création monétaire, une montée spectaculaire des taux d’intérêt et une forte appréciation du dollar. Si l’inflation semble durablement jugulée, la croissance devient négative, le chômage s’envole – le taux de chômage s’élève à 9,5 p. 100 en 1982 – et le déficit commercial se creuse. Aussi cette politique est-elle infléchie dès 1982 – ce qui provoque une forte reprise économique en 1983 – et plus encore en 1985: le dollar se déprécie alors très rapidement et perd, en deux ans, la moitié de sa valeur par rapport au yen et au deutsche Mark.

Le redressement paraît impressionnant. Les États-Unis renouent avec un taux de croissance relativement élevé (tabl. 1) sans qu’il y ait reprise de l’inflation. Le taux de chômage tombe à 5,2 p. 100 en 1989. Les gains de productivité sont soutenus (tabl. 4).

Au passif, les déficits et l’endettement augmentent; à côté des déficits commerciaux et budgétaires, les observateurs signalent l’apparition d’un «troisième déficit», concernant les équipements publics, dont le financement par l’État serait insuffisant. Aussi assiste-t-on non pas à une rupture, mais à une inflexion dans la politique du gouvernement dès la présidence du successeur de Ronald Reagan, George Bush. Il y est d’ailleurs encouragé par l’apparition d’une nouvelle récession qui frappe le pays à partir de 1990. Le ton à l’égard des partenaires des États-Unis, en particulier du Japon, se fait plus ferme, l’intervention de l’État en faveur des industries de pointe plus vigoureuse; le taux d’imposition maximal sur les revenus est relevé à 31 p. 100 en 1990; de nouvelles mesures de réglementation sont adoptées en ce qui concerne l’environnement. L’élection du démocrate Bill Clinton, en 1992, ne semble pas d’abord modifier cette orientation. Si le nouveau président se défend de vouloir revenir à une politique fortement interventionniste, il annonce, dès sa prise de fonctions, de nouvelles hausses d’impôt et un soutien résolu aux industries de pointe.

Les priorités

Les changements d’orientation dans la politique économique américaine ne doivent pas induire en erreur. Il existe des éléments de continuité qui correspondent aux grands problèmes que traversent les États-Unis.

Tel est le cas du soutien à l’emploi . L’un des succès les plus remarquables des États-Unis consiste en leur capacité à créer des activités nouvelles. Le total de la population employée est ainsi passé de 87 millions à 117 millions de personnes entre 1973 et 1991. On note souvent que certains de ces emplois, en particulier dans les services, sont rémunérés médiocrement. Mais le chômage reste contenu. De nombreux éléments peuvent expliquer ce bon résultat: flexibilité, stabilité des salaires, réalisme des syndicats, etc. L’action de l’État en faveur de la croissance y contribue certainement, y compris quand il augmente les dépenses fédérales au risque de creuser les déficits budgétaire et commercial.

La capacité à utiliser l’arme du dollar représente une deuxième constante. En supprimant la convertibilité en or de leur monnaie, en 1971, les Américains ont réalisé une excellente opération. Ils se sont libérés des contraintes que leur imposait cette convertibilité, mais ils ont su conserver la place exceptionnelle du dollar dans l’économie mondiale. Cette place leur procure de nombreux avantages: s’ils sont endettés, ils conservent la possibilité de rembourser l’essentiel en dollars, et ce fait change tout. Pourtant, tout attachés qu’ils sont au billet vert, les Américains n’hésitent pas à accepter sa dépréciation pour soutenir leurs exportations. Ce qui est frappant, sur le long terme, c’est en effet la chute de la valeur du dollar depuis 1971. On pourrait y voir la confirmation du déclin américain, mais cette dépréciation est voulue afin de rendre sa compétitivité à l’économie. Il y a là une différence radicale avec les choix du Royaume-Uni dans les années vingt: les États-Unis n’entendent pas sacrifier leur industrie à leur monnaie.

L’industrie , et en particulier l’industrie de pointe, est en effet l’objet d’une attention constante de la part des autorités. Cette aide passe par des commandes massives du Pentagone et, surtout, par une véritable politique de la science que le président Reagan n’a pas interrompue, au contraire: «Aucune nation n’est plus dépendante de la science que la nôtre», proclame-t-il. Différentes agences fédérales contribuent à organiser et à financer la recherche-développement, en particulier la National Science Foundation et l’Office of Science and Technology Policy. Les États-Unis consacrent ainsi 2,8 p. 100 de leur P.I.B. à la recherche-développement, tout au long des années quatre-vingt, et 45 p. 100 en sont financés sur fonds publics – alors que 75 p. 100 des travaux sont menés en entreprise. Aux dépenses directes de l’État dans ce secteur, il faut ajouter le crédit d’impôt recherche qui permet de déduire de l’impôt sur le profit une partie des dépenses effectuées à ce titre par l’entreprise. Dans les années quatre-vingt, l’État ne se contente d’ailleurs pas de tels financements: le Pentagone s’emploie à regrouper les principales entreprises américaines au sein de grands programmes de recherche, voire de fabrication, inspirés de l’exemple du M.I.T.I. japonais. Ainsi, Sematech et Microelectronics and Computer Cooperation sont deux consortiums installés à Austin qui s’efforcent d’organiser la riposte des entreprises américaines dans le secteur décisif des composants.

Les analyses selon lesquelles il y aurait une désindustrialisation des États-Unis paraissent du coup contestables. Il faut noter, d’abord, que la production industrielle a plus que doublé depuis les années soixante; plus remarquable encore, l’emploi dans les industries manufacturières reste extrêmement stable depuis cette même date, avec des effectifs se situant aux alentours de 20 millions de personnes. Grâce à la dépréciation du dollar, certaines industries traditionnelles, comme l’acier, ont regagné en compétitivité. Surtout, malgré la concurrence japonaise et européenne, les États-Unis continuent à dominer le secteur des industries de pointe: pharmacie, aéronautique, électronique, biotechnologies. Leurs entreprises restent les premières mondiales et, en 1992, pour la première fois depuis une dizaine d’années, c’est une firme américaine, Intel, qui a été le premier vendeur mondial de composants, marché sur lequel les Japonais sont repassés au-dessous de la barre des 50 p. 100.

La dernière préoccupation constante du gouvernement américain concerne la volonté de redéfinir ses relations avec les partenaires . Deux faits essentiels se sont en effet produits depuis 1971. D’abord, l’économie américaine s’est ouverte sur l’extérieur. En 1971, les importations ne représentaient encore que moins de 5 p. 100 du P.I.B.; aujourd’hui, le chiffre dépasse les 10 p. 100. Cette internationalisation n’a pas été sans provoquer de nombreuses difficultés, et, même s’il s’est réduit, le déficit commercial représente encore plus de 80 milliards de dollars en 1992. Ce fait peut encourager la volonté de se replier sur soi-même: après tout, il existe une puissante tradition protectionniste et isolationniste aux États-Unis. On le constate à travers l’adoption de mesures de protection (quotas sur les importations d’automobiles japonaises en 1981 et sur l’acier européen en 1992), mais aussi à travers des manifestations d’hostilité à l’égard des investissements japonais: la firme Matsushita, qui avait racheté les installations du parc naturel de Yosemite, doit y renoncer en 1991 devant la vague de protestations qui s’élève.

Pourtant, les États-Unis ont d’autres moyens de réagir, et cela d’autant plus qu’un second événement s’est produit dans les années quatre-vingt: l’effondrement de l’U.R.S.S., salué par la formule victorieuse de George Bush: «Par la grâce de Dieu, nous avons gagné la guerre froide.» Les Américains se trouvent dès lors plus libres de faire pression sur leurs partenaires pour obtenir des concessions économiques. Leur offensive prend des formes multiples: subventions aux exportations, en particulier agricoles (programme B.I.C.E.P. en 1985), ou négociations directes pour obtenir que les concurrents ouvrent leur marché et renoncent à certaines pratiques jugées déloyales. Pour cela, les Américains disposent, depuis 1988, d’une arme nouvelle et particulièrement efficace, le Trade Act. En vertu de ce texte, l’U.S. Trade Representative, représentant personnel du président pour les affaires commerciales, publie tous les ans une liste de pays dont l’attitude est jugée déloyale; s’ils ne s’amendent pas, il est possible de prendre à leur égard des mesures de rétorsion considérables au nom de l’article dit super 301. Ainsi, les États-Unis ont déjà obtenu des gestes importants de la part des Japonais (ouverture des marchés publics aux firmes américaines, transformation du système de distribution, mesures antitrust, politique de relance budgétaire) et surtout des Européens (réforme de la politique agricole commune et accord sur les subventions à Airbus en 1992). Eux, qui s’étaient faits les chantres du G.A.T.T. et des négociations multilatérales dans l’après-guerre, se rallient de plus en plus à ce que l’économiste Leonard Silk a appelé un «bilatéralisme agressif» qui leur permet de mieux imposer leur point de vue. En même temps, ils poussent à la création d’une zone de libre-échange nord-américaine (accord avec le Canada en 1988, accord avec le Canada et le Mexique en 1992, voire perspectives à l’échelle du continent).

Au-delà des oscillations de la politique conjoncturelle, telles sont les constantes de l’action des États-Unis dans les années soixante-dix et quatre-vingt qui devraient persister au cours des années quatre-vingt-dix. Sur un point, cependant, une évolution importante est probable: il s’agit d’une réduction des dépenses militaires, déjà engagée sous George Bush et confirmée par Bill Clinton. Ce pourrait être le moyen de réduire le déficit budgétaire et de recentrer les efforts sur l’industrie civile.

En cette fin de millénaire, et malgré des difficultés considérables, les États-Unis conservent donc des atouts exceptionnels: un espace vaste et riche, une position géographique ouverte à la fois sur l’Atlantique et le Pacifique, une population nombreuse et plus jeune que celle de leurs concurrents, le dollar et la place financière de New York, le premier marché de consommation mondial, une capacité d’innovation exceptionnelle, les premières firmes mondiales (sur les dix premières entreprises mondiales, au moins cinq sont américaines), une force militaire qui peut se traduire en termes d’hégémonie économique, comme la guerre du Golfe l’a rappelé. Surtout, l’effondrement du communisme confirme l’efficacité du modèle américain et donne au pays une opportunité exceptionnelle: débarrassé de la menace soviétique, il peut se concentrer sur son redressement économique. De leur capacité à saisir cette chance dépend la possibilité pour les États-Unis de rester le centre de l’économie mondiale.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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